Histoire fictive

Le cadran se met à hurler; j’ouvre les yeux. La lumière se met à augmenter graduellement. Nous sommes le 6 juillet de l’année 2214. La lumière s’ajuste automatiquement en fonction de la quantité de lumière nécessaire aux yeux. Je n’ai plus besoin de me demander s’il fait assez clair pour lire mon planning de la journée. Je n’ai tout simplement pas le choix. Aujourd’hui, je n’ai pas de temps pour mes loisirs, mon planning ne contient que des tâches reliées à mon travail d’usine. Demain, peut-être, me laissera-t-on pratiquer un sport ou faire une lecture imposée, qui sait? De toute façon, je n’ai pas le choix. Les plannings de la journée ne sont jamais connus à l’avance. Ils nous sont dévoilés le matin même en fonction des besoins des autres. Le scanneur matinal analysant mon cerveau et mes taux d’hormones indiquent que je n’ai pas vraiment envie d’aller travailler aujourd’hui. Je n’ai pratiquement jamais envie d’aller travailler. De toute façon, je n’ai pas vraiment le choix. Alors, la première chose à faire le matin est d’avaler ma petite pilule mauve, celle qui sert à augmenter ma motivation. Hier, je n’avais pas le choix de faire la lecture imposée, un article relatant la vie dans les années 2000. On n’avait pas de médicament pour la motivation et les gens utilisaient tout plein d’autres moyens. Il y en avait plusieurs qui prenaient des boissons remplies de sucre en pensant que ça les motiveraient pour faire ce qui ne leur plaisait pas. Il y en avait d’autres qui croyaient que la motivation allait venir toute seule et ne faisaient rien pour en trouver. Ils finissaient par passer leurs journées à tenter de se distraire et à éviter de faire ce qu’ils avaient à faire. Pourtant, certains étaient motivés! Comment? Ils pouvaient faire des choix par eux-mêmes, les respecter et faire en sorte que ça donne des résultats. Malgré cette liberté, il y avait tant de gens qui souhaitaient faire LE bon choix, celui sans aucune conséquence qui permet de tout avoir sans rien donner.

La société s’est transformée pour tout dicter afin de contrer l’anxiété reliée à «faire un choix». Maintenant, tout est imposé, je dois manger se qu’on me dit de manger, aller travailler où on me dit de travailler et même jouer à ce qu’on décide qui est bon pour moi. Je n’ai plus le choix… De toute façon, les pilules motivantes sont disponibles en tout temps grâce au gouvernement et son ministère de la motivation. Une fois, au centre d’apprentissage, j’ai pris trois pilules le même jour! J’ai terminé mon module de mathématiques en 2 heures! Pourtant le lendemain, j’ai dû reprendre une nouvelle dose de motivation parce que je ne comprenais pas pourquoi je devais faire des mathématiques. Je ne comprends toujours pas. Je n’ai pas d’objectif, pas de but, pas le choix. Comment être motivé si ce que je fais n’est pas en lien avec un objectif que j’ai choisi d’atteindre? La nuit dernière, j’ai fait un rêve : j’étais sur scène, devant un groupe de gens qui m’écoutaient raconter des histoires. Si seulement on me donnait le choix…